Né en 1910 : Julien Gracq (Louis Poirier)


 

Ouverture des Rencontres

 

« Hauts lieux de l’imaginaire

entre Loire et Bretagne »,

 

10 décembre 2008,

 

en hommage à Julien Gracq

 

presqu-ilelettrines2eaux

 

En 1978, au Palais des Congrès de Bruxelles, Julien Gracq rendait hommage à l’écrivain belge Suzanne Lilar dans un texte qui allait servir de préface au livre Le Journal de l’analogiste. Julien Gracq reconnaissait chez elle ce don de « la poésie envisagée comme une immense entreprise de métamorphose ». Il nous a semblé que ceci pouvait s’appliquer à l’œuvre même de Julien Gracq.

 

 

 

C’est ainsi qu’est née l’idée de centrer ces Rencontres autour de ces lieux métamorphosés par l’imaginaire, en ces terres qui lui sont chères entre Loire et Bretagne.

 

 

« Hauts lieux », autrement dit, lieux d’élection. « imaginaires », parce qu’ils dessinent un paysage singulier, celui de la route, du chemin, ou au contraire celui de lieux confinés, mais qui, les uns et les autres, ont cette particularité de s’ouvrir vers un lointain point de fuite. « Les lieux qui attirent mon imagination sont des lieux sous tension », dit Julien Gracq dans un de ses Entretiens.

 

Gracq La Forme d'une ville

 

Quels sont les « lieux incubateurs » chez Julien Gracq, selon sa propre expression dans La Forme d’une ville ? Ce sera une des questions que nous nous poserons. Les lieux d’enfance, les lieux d’adolescence, le lycée Clemenceau, la rivière l’Evre, les circuits dans la Presqu’île, les « haies de Vendée machinées pour une insurrection rurale », cette Bretagne « où finit la terre », tous ne sont-ils pas refaçonnés selon les exigences de la rêverie ?

Prenons l’exemple de la Pointe du Raz (Lettrines 2) et de Kerantec, probablement Audierne, dans Un beau ténébreux. Lieu réel pour le premier, imaginaire pour le second. Ils cristallisent étrangement une tension, une dissonance : à la fois, la douceur dorée d’une fin d’été et la brume automnale mystérieuse. « Chaque fois que j’ai revu la Pointe, c’était ce même temps, la même lumière : jour alcyonien, calme et tiédeur, fête vaporeuse du soleil et de la brume ». Il y a là l’écho d’un grand écrivain romantique. Mais ce n’est pas Chateaubriand mais Lermontov, le grand poète russe dont Gracq a lui-même traduit le poème, « La Voile ». Il s’en rappellera dans Lettines2 : « le brouillard azuré de la mer où blanchit une voile solitaire, comme dans le poème de Lermontov ».

Question donc : comment opèrent ces métamorphoses -souvenirs, associations- qui affectent ces hauts lieux ?

Et autre point de questionnement : quel rapport, chez lui, entre les paysages et les êtres ? Dans son univers, quelque chose ou quelqu’un fait défaut : la mer qui se retire à Sion, la femme, Imgard de La Presqu’île, la ville interdite pour le jeune interne du lycée Clemenceau de La Forme d’une ville.

Pour en parler, il nous a semblé que la forme ouverte de « Rencontres » permettait d’être fidèle à l’esprit de cet arpenteur du langage poétique qu’est Julien Gracq. Nous vous avons donc invités, Messieurs, qui êtes, en quelque sorte par vos travaux, des compagnons de ce « grand chemin » cher à l’écrivain : Yannick Lauzevis, ancien professeur de Lettres Supérieures et de khâgne qui a choisi de placer Julien Gracq au programme de son cours à l’Université Permanente de Nantes. Jacques Boislève, ancien journaliste, écrivain, qui a dirigé le numéro spécial de la revue 303 consacré à Julien Gracq. Gilles Plazy écrivain, qui a écrit, entre autres, Voyage en Gracquoland et En extrême attente (La Part Commune, 2006). Philippe Le Guillou empêché nous rejoindra plus tard. Nous aurons ensuite un temps d’échanges. Une façon de nous octroyer ce temps de « liberté grande » que nous invite à saisir Julien Gracq.

 

Marie-Hélène Prouteau

Ancienne élève et professeur du lycée