Livre du Bicentenaire (Coiffard, 2008)
L’Anthologie
Auteur : Joël Barreau
Marc Elder
Devenu célèbre en 1913, sous le pseudonyme de Marc Elder, pour son roman Le Peuple de la Mer, qui obtint le prix Goncourt, Marcel Tendron, né à Nantes en 1884, fut élève du lycée de 1901 à 1904, en rhétorique et philosophie.
Le lycée est évoqué à quelques reprises dans le premier chapitre de son dernier roman (en partie autobiographique ?) publié l’année même de sa mort en 1933, Les Cendres de la Nuit. Mais ces évocations sont trop minces pour être retenues ici. En revanche, dans le discours qu’il prononça au lycée Clemenceau à l’occasion de la distribution des prix, le 13 juillet 1928, Marc Elder, qui est alors conservateur du Château des Ducs de Bretagne, évoqua de façon plus précise son passage au lycée en s’adressant aux lycéens, parmi lesquels se trouvaient Julien Gracq et Morvan Lebesque :
A peine si je suis un ancien élève de la maison. Je n’y ai passé que deux ans, dans ces classes que nous appelions naguère la rhétorique et la philosophie, et, mon Dieu, sans laisser de traces !
Contrairement à la tradition, qui impose à l’artiste une jeunesse turbulente, je ne fus pas du nombre de ces cancres fameux dont la mémoire perdure de générations en générations. Un peu de fantaisie, sans doute, guida mes études, sans qu’elle me poussât jamais, s’il faut tout dire, à honorer de mon nom le palmarès. Je me gardais des excès dans un sens comme dans l’autre. Sagesse qui ne m’empêcha point, toutefois, à l’occasion d’un devoir, de ramasser la plume de Boileau dans le dessein d’écrire à Racine pour le consoler de la chute d’Athalie, comme si des mots, même fraternels, pouvaient adoucir l’amertume d’un échec au cœur d’un écrivain.
Mais cette candeur psychologique n’était pas sans être favorable aux effets de style. Nous l’apprenions, à l’époque, sous un maître auquel il me plaît de rendre aujourd’hui publiquement hommage. Il était sévère, plein d’autorité, exigeant pour le travail comme pour la tenue, impitoyable sur le terrain du barbarisme. Je crois que nous le redoutions un peu et que la crainte parachevait notre silence attentif. Mais Virgile, à sa voix, nous révélait la modulation fraîche d’un cyprès, d’une chèvre, d’un cygne sur les fonds brûlés de la campagne impériale. Horace redevenait le flâneur narquois qui soigne sa cave comme son lyrisme, et le mari de Pénélope un matois de village, agile à profiter des digestions homériques.
La simplicité, la clarté, ce ton de la vie où la poésie, au lieu d’agiter ses voiles comme une danseuse, prend une attitude calme et d’autant plus touchante qu’elle est discrète, voilà ce que nous enseignait M. Chaussade. Je l’ai compris après coup, mais le ferment était déposé. Les études classiques ont moins pour but de nous instruire que d’éveiller nos dons obscurs, de nous donner une méthode spirituelle.
– Sur la vie et l’œuvre de Marc Elder, voir sur « Julien / Biographies » la notice qui lui est consacrée.