Hommage à Marc Nicolas, ancien directeur de la Femis, par J-L Liters (décembre 2016)


Marc Nicolas,

« grand commis de l’Etat »,

passionné de Cinéma,

nous a quittés

le 21 décembre 2016

 

 

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Marc n’était pas un ancien élève du Lycée Clemenceau, ni du Lycée Jules Verne.

Je crois toutefois me souvenir qu’il m’avait dit avoir passé les épreuves de son bac à Clemenceau. C’était en 1974.

Ce passionné, déjà, de Cinéma fut en effet nantais quelques temps. Quittant l’Algérie où Marc était né, ses parents s’installèrent à Nantes, avant de quitter Nantes pour Reims (Marne).

C’est au Lycée Monge La Chauvinière, à Nantes, qu’il prépara le baccalauréat dans les années qui suivirent « 1968 ». Sûr qu’il fut un élève engagé !

Mais c’est à Reims que je fis sa connaissance, puisqu’il devint mon élève en classe préparatoire au haut enseignement commercial, au Lycée Roosevelt de Reims.

Il s’intéressait beaucoup au Cinéma, lisait les revues pour cinéphiles et avait une bonne connaissance des réalisateurs de l’entre deux guerres. Ensemble nous participions à des petits concours radiophoniques sur le Cinéma et il en tirait des billets gratuits pour les salles obscures de la Place d’Erlon.

Brillant élève, il rata HEC de peu mais fut reçu à l’ESCP en 1976. Il ne perdit jamais de vue sa passion et mit sa formation en école de commerce au service d’une carrière vouée au Cinéma.

 

Je dois à Marc, outre une amitié entre un élève doué et son jeune professeur, le fait d’avoir accepté la proposition qu’on me fit un jour de quitter la math sup de Reims pour une math sup à Nantes.

Nantes, cette ville dont il m’avait parlé et où je prenais plaisir à mettre mes pas dans les siens comme dans ceux de quelques autres Nantais de ma connaissance.

 

Le 24 décembre 2016,

Jean-Louis Liters

 

L’article,

signé Isabelle Regnier,

paru dans 

Le Monde

édition des

24, 25 et 26 décembre 2016

« Marc Nicolas,

ancien directeur de la Femis,

est mort

Ce cinéphile subtil, qui a dirigé et modernisé de 2001 à 2016 la prestigieuse école de l’image et du son, s’est éteint le 21 décembre, à 59 ans.

 

Il fait partie de ces hommes de l’ombre auxquels le cinéma doit beaucoup. Grand commis de l’Etat, Marc Nicolas est entré au ministère de la Culture comme conseiller cinéma de Jack Lang, en 1989. Il a passé les quinze dernières années de sa vie à diriger la Femis, s’imposant comme le maître d’oeuvre de la modernisation de cette prestigieuse école des métiers de l’image et du son, et de son ouverture – à l’international, aux métiers de la distribution et de l’exploitation, aux séries télé, aux étudiants de milieux défavorisés… Il est mort mercredi 21 décembre, des suites d’une éprouvante maladie.

Personnalité complexe, qui a mis sa vie au service de l’institution et d’un idéal républicain qu’il défendait envers et contre tout, ce fin stratège était à la fois un homme de passion, cinéphile sensible et subtil, photographe et cinéaste amateur à ses heures perdues, et un passeur qui partageait volontiers la grande connaissance qu’il avait du secteur du cinéma. Son engagement professionnel en portait la trace, qui se traduisait par un rapport toujours courtois et respectueux à ses interlocuteurs, à commencer par les élèves de la Femis qui l’appréciaient beaucoup.

Eu égard à la carrière qu’il a finalement bâtie, sa formation fut relativement atypique, traduisant ce rare alliage d’inclination pour l’institution et de goût pour l’art et la liberté. Né le 16 juin 1957 à Sidi Bel Abbès, en Algérie, Marc Nicolas la scinde en effet entre l’école supérieure de commerce de Paris (ESCP), une maîtrise d’études cinématographiques à l’université Paris 8, et un DEA d’économie publique à Paris-Dauphine. De là, il atterrit au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), où il passe deux ans au début des années 1980, puis au cabinet du deuxième ministère Jack Lang à la Culture où il officie de 1989 à 1992 comme conseiller en charge du cinéma, de la production audiovisuelle et de la propriété intellectuelle.

Une haute idée de la culture

Toujours au ministère de la culture, il est chef du département des études et de la prospective entre 1993 et 1997, intègre ensuite le cabinet de Catherine Trautmann, puis rallie le CNC au poste de directeur adjoint. Le grand projet pde la Maison du cinéma, dont il s’était vu confier la charge entre 1997 et 2000, qui devait chapeauter, sous l’égide du CNC, la Cinémathèque française et la Bibliothèque du film (Bifi), fut un des moments forts de sa carrière, et finalement son plus grand échec. Ce chantier, qu’il a largement développé et l’avait conduit à choisir, pour l’accueillir, l’ancien American Center de Frank Gehry, à Bercy, lui sera retiré à l’issue d’une longue querelle comme seule la Cinémathèque sait en produire – elle récupérera finalement ledit bâtiment.

C’est à la Femis, dont il est nommé directeur fin 2001, que Marc Nicolas donnera toute la mesure de son talent, et de son engagement. Au sein de ce fleuron de l’élitisme français, destiné à former la jeunesse aux métiers du cinéma, il mettra en œuvre sa vision d’une école comme un écosystème évolutif, en conjuguant une haute idée de la culture et ses capacités de gestionnaire et de stratège.

Des projets parfois controversés

Maître d’œuvre, dès son entrée en fonction, d’une grande réorganisation des enseignements, il a mené à bien des projets parfois controversés – les projets de filière exploitation/distribution ou d’écriture de séries se sont heurtés à des réticences –, a su venir à bout de situations parfois conflictuelles, et largement œuvré au rayonnement international de l’institution.

Depuis 2006, il dirigeait en outre le groupement européen des écoles de cinéma et de télévision (GEECT). Fier d’avoir imposé l’idée d’une école non sectaire, ouverte à toutes les idées du cinéma, et à toutes les corporations, fier d’avoir contribué, ces dernières années, à l’éclosion d’une nouvelle génération de cinéastes dont les films circulent dans le monde entier, il a terminé son deuxième mandat en 2016, en ayant donné à l’école des bases solides pour le siècle nouveau. »