Né en 1930 : Michel Chaillou


Hommage à Michel Chaillou

 

décédé à Paris, le 10 décembre 2013,

 

 

par Marie-Hélène Prouteau

 

Michel Chaillou est mort, c’était un ami des lecteurs nantais.

 

Par quelques mots, je voudrais retrouver la présence chaleureuse de l’écrivain. Nous l’avions invité, Jean-Louis Liters et moi-même, au lycée Clemenceau où il fut élève. La salle Boileau-Narcejac était pleine de lycéens des classes secondaires et d’étudiants de prépas. C’était le 20 avril 2006 à l’initiative des Amis de la Bibliothèque Municipale de Nantes. Tous furent captivés : comment oublier sa haute silhouette, sa belle chevelure blanche ? Et puis le regard d’enfant triste de celui qui semblait ne s’être jamais remis des « amours illicites » de sa jeune mère sous l’Occupation. La belle Eva, si présente dans son livre « 1945 », sorti deux ans plus tôt.

 

Dans la passion de celui qui parlait passait l’enfance dans les quartiers Saint Clément et Chantenay, mais aussi les plages battues de vents d’une presqu’île bretonne. Ce gamin de Nantes nous restituait sa manière d’interroger le monde : « Ça doit exister des hommes sans mère ? » ou l’étonnant incipit du livre, « Je couche avec un soldat allemand ».

 

Ce fut aussi l’enfance même d’une œuvre qu’il fit partager à ces jeunes qui découvraient, enthousiasmés, ce qui fait un écrivain. Ce qui nourrit la généalogie d’une sensibilité : le tout-venant de sensations, de hasards, comme la figure de cette grand-mère haute en couleurs, ce grand-père un peu bohémien ou Hans, le cuisinier allemand au grand cœur, prêt à consoler le jeune Michel.

 

En des termes simples, il évoquait pour ce public lycéen ce qu’était écrire pour lui, une sorte d’absolu, un « je-ne-sais-quoi qui nous dépasse ». Dans un sourire, Michel Chaillou disait le travail de l’écriture, ses exigences : toute une journée passée à pétrir les mots pour produire au bout du compte une seule page. Les lycéens, sous le charme, ne perdaient rien de cette richesse insoupçonnée. Beau plaidoyer à la Montaigne en faveur de la lenteur, de la profondeur de la langue, en ces temps où règne le tintamarre de la com’.

 

La tonalité de ses textes tantôt sobres, tantôt ciselés ne s’oublie pas : «  Chez nous, on a une table, quatre chaises. Plus l’éternité ». « N’est-ce pas cela la vraie raison de mes cris, de cette épouvante gîtée dans mon sommeil comme un lièvre aux oreilles droites ? »

 

La rêverie vagabonde de Michel Chaillou continuera à vivre dans le chemin des phrases, intense et libre.

 

Marie-Hélène Prouteau

Ancienne élève et professeur du lycée Clemenceau

Membre du Comité de l’Histoire du lycée