Hommage à Yves Cosson, poète, par Claude Boulday (mars 2017)


Yves Cosson : Le Geste et La Voix

 

Yves Cosson XM

Yves Cosson

Photo : Xavier Ménard

 

« Ami Boulday » ou « A l’ami Boulday … » : ainsi introduisait Yves Cosson ses propos adressés à son ancien élève de seconde (que je fus à l’époque du Lycée Victor Hugo des années 1960) qui avait osé, bien tardivement, amorcer le dialogue et l’échange sur le thème de l’approche poétique.

Aurai-je jamais pensé devenir aussi aisément un de ses amis épistolaires -et ponctuellement convivial- lui qui, assurément, n’en manquait pas ?

J’avais gardé, prégnants, dans mon imaginaire lointain de potache, un geste et une voix :

Ce petit doigt réfléchi dont j’admirais l’élégance à passer et repasser sur le sourcil, tandis que, lisant le texte classique tenu de l’autre main, notre « Gramophone enroué  » * donnait une théâtrale mais juste réplique à l’élève désigné comme lecteur.

Trente années plus tard, en simple « écrivant » velléitaire, surmontant enfin ses craintes de ne paraitre que « pollueur de poésie », je tentais de provoquer l’avis de mon vieux « prof poète pédagogue ». Je retrouvais, dans la correspondance comme dans l’entretien, et bien au-delà de leur mémoire organique, le Geste et la Voix :

Dans le regard et l’écoute d’emblée bienveillants (empathiques dirait-on peut-être plus facilement aujourd’hui) qu’il « posait » sur l’interlocuteur. Dans l’accueil respectueux et solidaire, voire « charitable », de l’homme de foi ouvert au monde, au vivant. Dans l’engagement d’un « mentor » généreux, encourageant à poursuivre et développer « la parole poétique » ; jusqu’à presque devenir, depuis sa maison « d’entre deux mers » de Penthièvre, complice épistolaire d’impressions, de perceptions « marines » partagées.

Je retrouvais aussi, lisant ou relisant ses textes, le « Geste » scriptural rythmé du poète, le jongleur des mots dont souvent la disposition sur la page, la géographie même, illustraient d’une autre manière (en sportif que j’étais) mon rapport à l’espace.

Je retrouvais encore la « Voix » dans la jeunesse enjouée de ses mots, leur richesse **, la truculence des souvenirs, l’attachement aux racines, joyeuses comme douloureuses. Une voix qui (peut-être outre et contre la « modernité poétique ») ne dédaignait ni la vibration sensible, ni la musique cadencée des mots.

Chez ce cher « fantasque flâneur …d’Erdre en Loire », cet « écouteur aux portes » et «voyeur » savant de la nature, ce guetteur de tout mouvement de mer, le Geste, la Voix d’un admirateur de Sa terre, de la vie ; ceux d’un poète simple et vrai .

                                                                                                                                         Claude Boulday

9 mars 2017

 

*rapprochement « éponymique » audacieux entre le titre d’un recueil de 1986 et le son singulier de sa voix.

** Longtemps, j’ai lié son souvenir à des expressions, des mots découverts au fil de ses textes, et que je trouvais « épatants » : « mufle de tarasque » ; « vieux citharèdes » ; « circomanes » ; « échalier » ; « écachoir » ; « girandoles » ; « élégantes acanthes », autant de résonnances qui opèrent à présent comme un rajeunissement.